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GERICAULT Théodore (1791 – 1824)

Portrait de Théodore Géricault par le peintre Louis-Alexis Jamar

Théodore Géricault naît à Rouen, le 26 septembre 1791 dans une famille bourgeoise aisée originaire de Normandie. Il est le seul enfant de Georges-Nicolas Géricault, avocat, et de sa femme Louise, née Caruel. Vers 1796, la famille Géricault s’installe à Paris, au 96, rue de l’Université. Le père abandonne alors la profession d’avocat pour un emploi plus rémunérateur dans la manufacture de tabac créée en 1792 par un oncle de sa femme. Théodore quant à lui fait ses études au Lycée Louis le Grand (alors Lycée Impérial). Très tôt attiré par le dessin et les chevaux, il passe tous ses loisirs dans les cirques ou en promenade dans les rues de la capitale, à l’affût des plus beaux équipages.

Cheval turc dans une écurie

Il a 17 ans lorsqu’en mars 1808 sa mère décède. Il hérite d’une confortable fortune et il décide alors, contre l’avis de son père, d’arrêter ses études pour se consacrer à la peinture. Il entre en 1808 à l’atelier de Carle Vernet, le peintre des chevaux et des cavaliers, et il s’aménage un petit atelier dans une mansarde, au 8 de la rue de la Michodière. Deux ans plus tard, il passe à l’atelier de Pierre-Narcisse Guérin, Grand Prix de Rome, qui lui enseigne la peinture dans la tradition des études d’après l’antique et les modèles. Il se rend souvent à Versailles, aux Grandes écuries impériales, où il exécute de nombreuses études. Il fréquente aussi beaucoup le musée du Louvre où il effectue des copies de chefs d’œuvres, en particulier des copies de tableaux de Rembrandt, Caravage, Titien, Van Dick et Rubens. En 1811, il en est momentanément exclu « pour s’y être conduit d’une manière scandaleuse ». Guérin plaide la cause de son élève auprès de Denon, le Directeur du Louvre, et obtient la levée de la sanction. Cette péripétie semble contredire une opinion largement répandue selon laquelle Géricault, élève romantique et fougueux, et son maître Guérin, de tradition classique, ne s’entendaient pas.

Cheval attaqué par un lion

En février 1811, Géricault s’inscrit à l’École des Beaux-Arts et, en avril, il échappe à la conscription, grâce à son père qui lui paye un remplaçant. En 1812, il expose au Salon le Portrait de Dieudonné lieutenant aux guides de l’Empereur (actuellement au Louvre), œuvre pour laquelle il se voit décerner la médaille d’or.

Cheval gris au râtelier

Au retour des Bourbons, c’est plus par amour des chevaux que par véritable sentiment monarchique, qu’il s’enrôle dans les mousquetaires du roi, délaissant provisoirement son art. Néanmoins, il suit Louis XVIII dans sa fuite jusqu’à Béthune. Les régimes se succédant rapidement, il n’aura pas le loisir de rester longtemps sous les armes. Mais la connaissance des uniformes, des chevaux et de l’équitation lui sera très utile pour sa carrière artistique et lui fournira très souvent matière à ses dessins.

Après la dissolution de son régiment, Géricault revient en effet à la peinture et produit le célèbre tableau du Radeau de la Méduse. Pour cette toile, il s’inspire d’un fait d’actualité, le naufrage de La Méduse, frégate de la marine royale partie de Bordeaux en 1816 avec pour mission de réoccuper le Sénégal, restitué quelques mois plus tôt à la France par le traité de Paris, après la chute de Napoléon 1er. Lorsqu’elle quitte la France, La Méduse est accompagnée de trois autres navires, L’écho, La Loire et L’Argus. Elle a à son bord 395 marins et soldats. Son commandant, le capitaine de frégate Duroy de Chaumareys, un officier d’Ancien Régime qui n’avait pas navigué depuis plus de vingt ans, décide contre l’avis de ses officiers, de s’éloigner du reste de la flottille pour couper plus court.

L’Epave

Le 2 juillet 1816, il ne saura éviter l’échouage de La Méduse sur un banc de sable, au large des côtes de la Mauritanie. Il faut évacuer. Les chaloupes étant en nombre insuffisant, un radeau de fortune de 20 mètres de long est construit grâce à l’ingénieur Alexandre Corréard. Cent cinquante deux passagers s’y entassent, avec peu d’eau et peu de nourriture. Dans un premier temps, le radeau est tiré par les chaloupes. Mais une nuit les amarres qui le relient aux chaloupes sont rompues, peut-être larguées volontairement par le commandant d’une chaloupe. Le radeau, livré à lui-même, dérive pendant douze jours marqués par des mutineries, des règlements de comptes, des assassinats et du cannibalisme. Quand le navire L’Argus parti à sa recherche retrouve le radeau de La Méduse, il ne reste que 15 survivants, dont 5 mourront à peine embarqués sur l’Argus. Deux des rescapés, Alexandre Corréard et le chirurgien Henri Savigny, feront le récit de leur aventure dont Géricault va s’emparer en la peignant dans le but de l’exposer au Salon de 1819.

Le Radeau de la Méduse

La scène peinte par Géricault représente le moment où les naufragés aperçoivent l’Argus et tentent de se faire voir de l’équipage en faisant de grands signes avec les bras et en agitant des lambeaux de tissus. Pour réaliser son œuvre, Géricault s’enferme pendant seize mois dans son atelier. Il se livre à un méticuleux travail de documentation, interroge les survivants, en particulier Corréard et Savigny, étudie des mourants et des cadavres à l’hôpital Beaujon, fait transporter des cadavres morcelés dans son atelier.

Cuirassier blessé

Il travaille à partir d’une maquette du radeau qu’il fait faire par un charpentier, et de figurines de cire. Il fait prendre la pose à Corréard et Savigny, ainsi qu’à d’anciens grognards. Les peintres Lebrun et Delacroix posent également pour lui dans son atelier. Il peint plusieurs esquisses, avant de trouver l’ordonnancement qu’il va donner à sa composition : une longue diagonale qui va de la jambe raidie du cadavre de gauche et monte pour se terminer sur le lambeau de vêtement agité par un personnage de droite pour alerter le vaisseau venu les sauver. Il s’atèle alors à la peinture de cet immense tableau de 4,91 m x 7,16 m. Les corps blêmes sont mis en valeur par de violents contrastes d’ombre et de lumière. Le réalisme des corps met en exergue le martyr enduré par les naufragés.

Officier de chasseurs à cheval de la garde impériale chargeant ; Salon de 1812

A l’époque où il peint Le Radeau de la Méduse, un événement inattendu fait scandale dans la famille bourgeoise de Géricault. Sa jeune tante, Alexandrine-Modeste Caruel, épouse de son oncle maternel, Jean-Baptiste Caruel, met au monde un enfant dont il est le père. Cet événement non espéré a pour effet de le jeter à corps perdu dans le travail. Passionné de chevaux, il les dessine et les peint sans relâche, de toutes les races et dans toutes les attitudes. Il traduit également son modèle favori en sculpture, réalisant en particulier son fameux Cheval écorché. Cette pièce remarquable, qui témoigne de sa parfaite connaissance de l’anatomie du cheval et de sa remarquable maîtrise de l’art sculptural, a été coulée en bronze après sa mort. Le modèle en cire aurait été acheté par le fondeur Susse lors de la vente après décès, moulé et reproduit en de multiples exemplaires avant d’être acheté par un collectionneur.

Course de chevaux libres à Rome- 1817

Outre son Cheval écorché, sa sculpture la plus connue, il faut mentionner qu’il a aussi sculpté Cheval arrêté par un homme, un bas relief en pierre, un Lion au repos, pièce fondue en bronze plus tardivement à l’instar du Cheval écorché, et aussi une maquette en cire de L’Empereur Alexandre de Russie à cheval. Il faut préciser que Géricault est considéré comme le premier artiste à avoir modelé des petites sculptures romantiques éditées en bronze, avec la particularité que la fonte n’a jamais été faite du vivant de l’artiste.

Exposé au Salon de 1819, Le Radeau de la Méduse n’obtient pas le succès espéré par Géricault. L’État ne l’achète pas et Géricault entreprend de présenter la toile en Angleterre, à Londres puis à Dublin en 1820. C’est un grand succès, notamment financier. Géricault demeure deux années en Angleterre. Il pratique l’équitation et produit de nombreuses œuvres sur le thème des chevaux et des cavaliers, dont le tableau du Derby d’Epsom en 1821.

Course de chevaux dit traditionnellement le Derby de 1821 à Epson

De retour d’Angleterre, Géricault commence en décembre 1821, pour le docteur Georget, médecin-chef à la Salpêtrière, une série extraordinaire de 10 portraits d’aliénés, en particulier la Monomane du jeu, l’Aliéné kleptomane, la Monomane de l’envie, le Fou assassin… Il peint aussi une Charge de cuirassiers.

Cinq chevaux vus par la croupe dans une écurie

Son train de vie est dispendieux. Il dépense sans compter et perd de grosses sommes d’argent à la Bourse et dans des opérations financières malheureuses. Sa santé s’altère. Il fait une mauvaise chute de cheval qui lui occasionne un abcès au côté gauche. Grâce aux soins qui lui sont prodigués, il se remet sur pied. Mais une lésion non détectée à la colonne vertébrale demeure, et va s’aggraver après deux nouveaux accidents en 1823. Plusieurs opérations chirurgicales n’améliorent pas son état. Il s’alite en février 1823 pour ne plus se relever. Il meurt le 26 janvier 1824, après une longue agonie.

Course de chevaux montés

Théodore Géricault est enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris. Sa sépulture a rencontré bien des vicissitudes puisque Géricault aura pas moins de trois tombeaux successifs. Après sa mort, le corps de Géricault est provisoirement déposé dans un caveau appartement à la famille Isabey au cimetière du Père Lachaise. Cette situation est d’autant plus surprenante que le père de Géricault qui n’est pas sans moyens financiers, avait fait l’acquisition d’un terrain à perpétuité destiné à accueillir le corps de son fils avant d’acheter pour lui même un autre terrain jouxtant le premier. Ce n’est qu’à la mort du père de Géricault en 1826, que les deux corps reposeront côte à côte, enterrés en pleine terre comme des miséreux, sans aucune inscription pour signaler leur identité. Cette situation va durer jusqu’en 1841 soit pendant 15 ans environ.

Tête de lionne

En 1837, le sculpteur Antoine Etex, ému autant que révolté va mobiliser ses amis afin qu’un monument funéraire digne de l’artiste soit érigé sur sa tombe. Il se rend chez le peintre Horace Vernet, fils du peintre de chevaux Carle Vernet, le premier Maître de Théodore Géricault. Les Vernet dans un premier temps accueillent ce projet de tombeau porté par Etex avec réticence ; la famille de Géricault est fortunée et il ne faudrait pas entreprendre une action dont les proches pourraient prendre ombrage. Cependant Etex sait se montrer persuasif.

Louise Vernet, enfant

Il met en place une commission composée de personnalités éminentes comme Eugène Delacroix, ayant pour objet de sélectionner le meilleur projet pour le monument funéraire de Géricault au cimetière du Père Lachaise. Les artistes intéressés sont invités à participer à un concours où ils feront des propositions de sculptures. Parallèlement une souscription est lancée pour financer l’opération. Malheureusement cette souscription se révèle peu fructueuse si bien que le projet n’est pas très attractif et décourage bon nombre d’artistes. Devant la faible participation, Antoine Etex qui au départ n’avait pas envisagé de concourir, décide d’envoyer deux modèles en plâtre. C’est finalement l’un d’entre eux que le jury retiendra. Le monument représente Géricault allongé, manifestement en état de souffrance, tenant une palette à la main. Sur la base, un bas-relief rappelle son tableau Le Radeau de la Méduse.

Deux chevaux de poste à la porte d’une écurie,1823

Beaucoup de souscripteurs, y compris parmi les plus riches, ne donneront pas suite à leurs engagements si bien que la somme réunie est loin de couvrir le coût de l’ouvrage dont la réalisation va durer trois ans. Antoine Etex est contraint d’emprunter pour terminer son œuvre qu’il présente au Salon de 1841 où elle est fort appréciée. Après le Salon, le monument est érigé au cimetière du Père Lachaise à l’endroit où Géricault est enterré depuis 1826. Quelques mois plus tard, un jeune homme se présente à Etex pour le remercier d’avoir donné un tombeau à Géricault. Il se nomme Hippolyte-Georges Géricault et se révèle être le fils naturel de l’artiste né en 1818 des amours de Géricault et de sa jeune tante Mme Caruel.

Le Four à plâtre

Non reconnu par ses parents, il a été élevé par Georges-Nicolas Géricault, son grand père paternel, dont il ne portera le nom qu’en 1840 à la suite d’une ordonnance royale. L’histoire de ce fils mérite quelques lignes. En dépit de l’héritage laissé par sa famille, il vit dans un modeste hôtel de Bayeux où il occupe une chambre misérable sous les toits. Peu sociable, on ne lui connaît pas d’amis et il ne parle à personne. Toute sa vie il demeure tourmenté et hanté par le désir de connaître sa mère. Ce désir ne sera jamais exhaussé.

L’histoire du tombeau de Géricault aurait pu s’arrêter là mais au bout de cinq ans, en 1846, survient un premier rebondissement. On constate que le tombeau en marbre tendre résiste mal au temps et aux intempéries, son état se détériore et impose qu’une mesure d’urgence soit mise en œuvre. Le conservateur du musée de Rouen, ville natale de Géricault, demande alors que le monument lui soit confié afin d’être mis à l’abri dans les collections du musée.

Un Carabinier

Géricault se retrouve de nouveau sans tombeau, ce qui ne saurait satisfaire Etex d’autant que certains souscripteurs manifestent leur mécontentement et vont même jusqu’à le menacer d’un procès pour avoir autorisé l’enlèvement du monument qu’ils ont en partie financé. L’affaire fait grand bruit jusqu’à alerter les plus hautes autorités de l’Etat. Pour arrêter la polémique, Etex est contraint d’assumer en grande partie et sur ses propres deniers le coût du nouveau monument exécuté en marbre et placé au même endroit que le précédent.

Tête de cheval blanc

Ce deuxième tombeau, haut de deux mètres environ, est orné de motifs décoratifs sculptés représentant une palette recouverte d’une branche de cyprès et d’une fleur d’immortelle. L’aventure continue car une fois encore, le monument ne va pas rester en place : Trente huit ans après son installation au Père Lachaise, Etex en fait don à la ville de Paris où il est toujours conservé dans l’un des jardins du musée Carnavalet. Pour comprendre les raisons qui ont conduit Etex à prendre cette décision, il faut relater l’histoire du troisième tombeau.

En 1883, à la mort du fils de Géricault, Hippolyte-Georges, on découvre par hasard dans le réduit très obscur où il vivait une petite feuille de papier jaunie sur laquelle il avait exprimé ses dernières volontés. Au terme de ce testament rédigé en 1841, et jamais modifié, alors qu’il n’avait que 24 ans, le fils naturel de Géricault, en dehors de quelques bénéficiaires particuliers dont Etex lui-même qui reçoit 2000 francs, donne sa fortune à l’Etat. Conformément à ses vœux, une part importante doit être consacrée à la restauration et à l’embellissement du premier tombeau de son père conservé au musée de Rouen. Il est par ailleurs entendu que le nom d’Etex auteur du monument doit demeurer indissociable de celui de Géricault.

La Folle Monomane du jeu vers 1820

L’Etat confie alors tout naturellement cette mission à Etex qui considère que ce travail est aussi un devoir auquel il va s’employer avec le plus grand soin. Sous la direction du sculpteur, la statue de Géricault et celle qui représente « Le Radeau de la méduse », ainsi que les bas-reliefs situés sur les deux côtés du piédestal sont entièrement fondus dans le bronze. Le socle sur lequel repose la sculpture représentant l’artiste, constitué de granit de même nature que le piédestal, est orné d’une balustrade en bronze qui souligne et consolide l’ensemble. La restauration achevée, ce troisième tombeau est à nouveau mis en place, minutieusement, de manière à ce que le monument posé sur une base faite de pierre, soit parfaitement stable et cette fois-ci demeure pour l’éternité.

En 1840, seize ans après la mort de l’artiste, grâce à son fils naturel Hyppolyte et au sculpteur Antoine Etex, fut érigé le dernier tombeau de Théodore Géricault dans le cimetière du Père Lachaise

Question d’ART - édition GUS’ART février 2011 - www.gusartanimalier.com

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