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Jean- Pierre Augier, sculpteur

Dans le domaine des arts, nous pouvons évoquer un sculpteur, Jean-Pierre AUGIER, qui, par technique, réussit à « faire bouger » le fer…

Originaire du splendide pays niçois, où il naquit en 1941, situé entre la mer et la montagne, il vit et travaille à Saint-Antoine-de-Siga, hameau partagé entre Saint Blaise et Levens, et entouré de majestueux oliviers. C’est ici que se trouve depuis des générations, le lieu d’origine de sa famille. Grâce à leur expérience de la terre, ses ancêtres ont réussi, par leur persévérance, leur acharnement, leur obstination, leur détermination, leur ténacité mais aussi leur constance, à modeler la nature. Sa maison proche de son atelier (installé lui aussi dans la maison de famille où ses parents habitent) est une vielle demeure de plus de trois siècles, entourée d’un jardin et de tonnelles de vignes. Il aime à dire que c’est pour lui « un petit paradis où se mélangent légumes, fleurs et fruits. »

Son père, musicien occasionnel, passionné par la terre, la pêche et la chasse, a aussi sculpté le bois d’olivier. Quant à sa mère, elle aime

Le chevalier

beaucoup les fleurs, les légumes et elle est une bonne cuisinière. Grâce à leur tolérance et à leur bienveillance, ils ont respecté les goûts et les attirances de leur fils et, ainsi celui-ci a pu s’orienter tout naturellement et sans difficulté vers ses souhaits profonds et vers son désir de créateur.

De telle sorte qu’en admirant ses merveilleuses sculptures exposées, nous ressentons spontanément l’immense amour, mais aussi toute la tendresse, l’affection la passion qu’il déploie en les modelant.

Ce « magicien du fer » nous entraîne, en effet, vers un monde de grâce et d’harmonie… Par son don d’observation, il sait immédiatement ce qu’un outil pourra lui révéler. Alors, durant 25 ans de recherches patientes dans tous les endroits possibles et imaginables de notre pays, il trouve de nombreuses variétés d’outils, de multiples ferrailles qu’il répertorie et range (par forme, famille, origine, etc.), ce qui lui permet de découvrir l’incroyable diversité du travail effectué par l’homme avec le fer et d’apprécier l’esthétique des formes pures et belles de ce métal. Lorsque nous observons « La gardeuse d’oies », « Les lapins », « Au pays des tulipes », ou bien « Les hérissons », ou encore « Le chat qui guette », ne sommes-nous pas portés à penser aux scènes champêtres, campagnardes ou rurales et à évoquer la beauté d’un geste simple ou la sérénité d’un mouvement tranquille ?

Couple

Jean-Pierre AUGIER, en sculptant avec des outils tirés du « quotidien », nous offre un énorme éventail de formes, de volumes. Cela lui permet d’exercer en permanence son sens de l’observation, l’esprit bouillonnant de nouvelles idées et l’imagination en constante demande de création… Il dira de lui-même : « Le dessin ne m’aurait jamais suffi, mais dans la spontanéité de mes créations, je suis plus prêt du dessinateur que du peintre… » Bien sûr, nous sommes incroyablement touchés par ses sculptures remplies de mouvement, d’envol, de mobilité – comme par exemple : « Femmes en marche », ou aussi « Lune de miel » - d’élégance féminine (telles par exemple ce « Couple enlacé » au modelé très fluide, ou cette « Mère soulevant son enfant en l’air » qui nous donne l’impression de s’envoler…), mais nous ne pouvons pas oublier qu’avant de devenir sculptures, c’étaient des outils piquants, tranchants (une faux, ou le fer d’une fourche, ou encore le fer d’une houe qui, unis, deviendront un scorpion), et que l’artiste a dû maîtriser la matière pour nous offrir un « Chevalier » ou un « Flamenco » … Autodidacte, il a appris seul les connaissances techniques indispensables : découpage, torsions, soudures. Dans son atelier, qui est en fait une ancienne écurie, se trouvent ses machines, ses établis et toutes sortes d’outils. A même le sol, il réunit les différentes pièces qui constitueront plus tard une œuvre. Puis a lieu la découpe au chalumeau afin de n’avoir que la partie nécessaire, et vient la soudure pour réunir les éléments, et ainsi les faire émerger pour, comme il fut dit, arriver au fameux « Lève-toi et marche » ! Il n’utilise pas la forge afin de conserver intactes les formes auparavant déjà crées, et de trouver un volume, une courbe qu’il utilisera ensuite (tel « Les premiers pas » où le dessus d’une pince à feu sert de capuche à la mère qui tient les bras de son enfant pour lui apprendre à marcher…). Travaillant continuellement dans le bruit et dans le feu, la « meuleuse », indispensable, mais au son intense, est précédée par la caresse énergique de la brosse qui va polir le métal et préparer « Le plaisir de toucher », nous dit Jean-Pierre AUGIER lui-même… comme cette « Maman éléphant et son petit éléphant » remplis de tendresse par le mouvement si affectueux de la trompe de la maman éléphant sur l’oreille de son petit…

Le tournoi

Lorsque notre regard se dirige vers ce « Couple-crochets », ne remarquons-nous pas les deux maillons d’une même chaîne qui

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Flamenco
représentent aussi les bras du couple qui s’enlace ? Ou bien les lames de sécateurs ne deviennent-elles pas des ailes d’oiseaux ? Ou encore les billes de roulement ne sont-elles pas des oiseaux picorant des limaçons ?

En utilisant les pieds d’anciennes baignoires, il moule les arrondis et obtient ainsi des formes plus maternelles ou plus sensuelles… comme par exemple des « Loutres » ou des « Manteaux volants au vent », ou aussi « Deux hommes tenant leur chapeau », le corps exagérément courbé en avant contre la bourrasque, ou encore des « Canards se disputant avec force un ver », très expressifs…

L’étendue de son art lui fait découvrir encore d’autres formes lorsqu’il utilise des dents de bulldozers, des engrenages, des boulets de broyeurs –comme par exemple « Le tournoi » ou « Le chevalier » ou encore différentes sortes de marteaux : depuis la masse à fendre le bois jusqu’au marteau de forgeron… en passant pas celui du cordonnier. Et comme le dit la célèbre chanson « ils s’aimaient d’amour tendre », c’est ce que nos « deux marteaux enlacés » nous montrent… et nous nous laissons attendrir par leur effusion si chaleureuse et communicative !

Ainsi le fer que nous n’utilisons pas, que nous dédaignons presque, Jean-Pierre AUGIER lui, le faire renaître, lui redonnant de la sorte déférence, estime et considération. Il recueille tous les fers « inutiles », comme, entre autres, les fers des haches qui représentent « La Vierge » et blotti dans Ses bras, le clou qui crucifia Son Fils devient ainsi « L’Enfant nouveau-né »… Car en effet, certains sujets sont teintés de religion et captivent Jean-Pierre AUGIER : qu’il s’agisse de « L’Annonciade », emplie de raffinement et de subtilité, de « L’Exode dans la fuite d’Egypte », tout en harmonie et en profondeur, ou encore « La descente de la croix, le Christ sur les genoux de la Vierge », chaque œuvre provient assurément d’une recherche mystique, mais par son style propre, elle nous interpelle énormément… Ainsi, n’oublions pas de mentionner les « Matines », emplies d’un grand réalisme de par leur puissance et leur présence.

Les lapins

Quant au thème éternel du mobile « Le graminaire », dont la cosse, largement ouverte, est prête à laisser tomber

Lune de miel

ses graines… qui pourraient tout naturellement nous rapprocher de la Genèse exprimée par ce « Couple fécond protégeant l’enfant à naître », il ne nous laisse pas du tout insensible, tant il est majestueux et comme vivant… et nous conduit ainsi aux « Maternités » sculptées par l’artiste, empreintes de joie, de bonheur, de langueur, d’harmonie et de douceur. Qu’il s’agisse des bras de l’enfant levés vers sa mère, elle-même le visage penché vers lui, ou bien du bébé dans les bras de sa mère, ou du fœtus attendant… l’heure… telle « Fécondité », que de réalisme, de simplicité, de couleurs, de vibrations, d’émotions dans toutes ces sculptures tournées en grande partie vers la beauté féminine !

Mais n’oublions pas le cadre privilégié dans lequel l’artiste vit, et qui lui a inspiré ses premières sculptures, elles-mêmes influencées par les scènes campagnardes, et ayant ainsi la forme des branches d’oliviers (plusieurs fois centenaires). Nous remarquons par exemple « Un oiseau bec en l’air », ou encore des figures mythologiques (d’Egypte) ou des danseurs, toutes en bois d’olivier… que nous pouvons aussi voir dans la salle d’exposition aménagée sous sa maison… et que nous rejoignons, non sans avoir regardé dans le parc ces « Paons » majestueux ou ce portail magnifique sculpté par l’artiste lui-même… Jean-Pierre AUGIER sait nous faire partager ses émotions et ne nous laisse pas du tout insensibles à ses œuvres : que ce soit « Chat » ou « La mère qui balance son enfant », « Croissant de lune avec le soleil », « Le tournoi » ou « Les hirondelles », « La dame à l’oiseau », ou « La chorale », tout n’est qu’émerveillement et fascination…. Nous oublions les outils et leur agressivité pour ne garder que les formes douces, tendres, créées sous sa main. Il réussit à respecter la forme originale de l’outil qu’il a sélectionné tout en évoquant le chagrin, la douceur, ou le bonheur ! Ses corps sont toujours très vivants : les femmes dans des attitudes quotidiennes de la vie moderne, sont simples et reflètent l’amour, l’humour, mais aussi l’exploit technique d’un artiste qui donne libre cours à son art, proche pour ainsi dire de la poésie.

Lorsque nous observons, devant la maison de Jean-Pierre AUGIER, les « Trois enfants captivés par la lecture », ce « ferrailleur génial »

Maternité

nous fait totalement oublier le matériau utilisé pour ne retenir qu’une forme chaleureuse que nous aurions envie de caresser, toute de tendresse et d’harmonie, des corps pleins de vie et des objets anonymes issus des ferrailles ramassées ici ou là…

Enfin nous mentionnerons, d’une part des façades ornées d’enseignes amusantes, à Levens, et entre autres, celle de la Poste : il s’agit d’un postier au travail montrant un lettre dans sa main… et d’autre part, la collection personnelle du sculpteur exposée de façon permanente à la Maison du Portal de Levens, soit 120 pièces qui constituent le fonds constant de ce musée. « …J’ai réalisé des milliers de sculptures, mentionne Jean-Pierre AUGIER, elles sont parties dans tous les coins du monde. Après plusieurs années, des collectionneurs continuent à me dire le grand bonheur toujours renouvelé qu’elles leurs procurent ! » De tous les pays, des touristes viennent régulièrement admirer ses œuvres qui nous disent très clairement que l’on peut tout transformer, tout faire renaître, que mort et destruction n’existent pas… et, ajoute l’artiste, « toutes ces années de vie passionnante à créer, c’est si vite passé. Ce qui est fait ne compte plus beaucoup, c’est ce que je vais faire qui est important. Ce sera toujours la prochaine sculpture qui, je l’espère, sera plus forte encore, encore plus aboutie… »

Alors, conservons à l’esprit ce message très optimiste de cet artiste hors pair, aux œuvres sobres, et qui sait regarder le monde avec des yeux attentifs et tout grands ouverts !

Arts et biologie ; décembre 1999

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