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Les solvants

Généralités

Sous le terme générique de solvants, on regroupe deux types de produits :

-  les véritables solvants dont la caractéristique est de dissoudre des substances,

-  Les diluants auxquels on a recours pour modifier la viscosité d’une substance dans un solvant,

qui posent des problèmes similaires en médecine du travail.

Près de 3 millions de tonnes de solvants sont employées chaque année en France. Ce chiffre est révélateur du développement considérable de l’utilisation des solvants dans de nombreux secteurs d’activité, qu’il s’agisse d’entreprises artisanales ou industrielles. Les modalités de cette utilisation son extrêmement variées et vont :

-  de la manipulation sans précaution (ni ventilation ni aération) et irrégulière dans un petit local d’artisan, au travail en vase clos dans l’industrie chimique,

-  de l’emploi d’un produit pur (notamment dans les laboratoires de recherches) à celui de mélanges complexes (ce qui est la règle générale).

Classification des solvants

Il existe plusieurs classifications, chacune d’elles se fondant sur un critère différent. On peut considérer en particulier :

a) Le type de produit sur lequel agit le solvant : on citera ici les qualités opposées du benzène et de l’éthanol, le premier dissolvant le caoutchouc et non la gomme laque alors que c’est l’inverse pour l’éthanol.

b) La vitesse d’évaporation, une caractéristique que doivent connaître techniciens et toxicologues.

c) Les effets corrosifs sur les appareils.

d) Le prix.

e) Le danger. A ce propos, il convient de distinguer :

-  Le risque d’incendie et d’explosions. On classe alors les solvants en deux catégories, les inflammables (acétone, benzène, essences de pétrole, esters d’acides organiques, sulfure de carbone, etc…) et les ininflammables(tétrachlorure de carbone, trichloréthylène, trichloro-trifluoréthane, etc…).

-  La toxicité (aucun solvant n’étant inoffensif).Même si la susceptibilité individuelle intervient quelles que soient les modalités de l’action toxique du solvant considéré, il reste possible d’établir un classement des corps selon leur plus ou moins grande dangerosité pour l’ensemble des individus.. Si l’on s’appuie, pour ce faire, sur les données de l’expérimentation animale, il convient toutefois de distinguer :

o La toxicité expérimentale : l’expérimentation permet de constater la plus grande toxicité du produit B comparé au produit A à la même concentration dans l’atmosphère.

o Le danger industriel pour l’évacuation duquel on doit prendre en compte une autre donnée, celle de la volatilité du produit. Si le produit A est bien plus volatil que le produit B, sa teneur dans l’atmosphère du local de travail (pour une quantité égale) sera très supérieure à celle de B ce qui implique un danger plus important.

f) La composition du produit et la catégorie à laquelle il appartient. Si l’on compte plus d’un millier de solvants que l’on retrouve dans la composition de plus de 80 000 formules différentes, seules quelques centaines sont utilisées couramment. Le tableau des principaux solvants (voir tableau 1) mentionne ceux qui sont les plus employés même si leur utilisation diffère selon les secteurs d’activité et si l’on assiste depuis quelques années à de profondes modifications (moindre recours aux hydrocarbures aromatiques au profit des hydrocarbures chlorés, essor des solvants fluorés et plus encore des dérivés oxygénés).


Voies d’entrée

La pénétration s’effectue :

-  par voie respiratoire (inhalation de vapeurs). Il s’agit du mode de pénétration le plus courant en milieu industriel. Il concerne les solvants les plus volatils (tels que les alcanes, les esters et les éthers). Des facteurs tels que la chaleur, les conditions hygrométriques, l’effort physique (inhalation 10 fois plus importante en cas de d’exécution d’un travail de force) contribuent à augmenter nettement cette pénétration ;

-  par voie cutanée lors de manipulations effectuées sans protection (on peut citer l’exemple du lavage des mains avec un solvant tel que le trichloréthylène). Elles constitue une voie d’entrée privilégiée pour certains produits tels que l’aniline et le nitrobenzène tandis que d’autres solvants ( comme le DMSO ou diméthyl-sulfoxyde ) facilitent la pénétration cutanée de toxiques ;

-  par ingestion accidentelle (méprise, siphonage) ou volontaire (tentatives de suicide) qui induit généralement une intoxication grave.

Métabolisme

Après pénétration, le solvant diffuse dans tout l’organisme de la victime. Cette diffusion dépend en premier lieu du degré de liposolubilité du produit. Celui-ci se fixe d’abord sur les organes riches en lipides élaborés contenant du phosphore (la myéline du système neveux par exemple). C’est à ce niveau qu’apparaissent les premiers signes de toxicité aiguë (voir tableau 2).


Dans ce type d’intoxication, c’est le solvant et lui seul (pas de transformation enzymatique) qui est à l’origine du tableau clinique.

Toxicité à long terme

Les transformations biochimiques que subit le solvant du fait de l’intervention des systèmes de détoxication (principalement au niveau du foie) aboutissent à des métabolites, les uns non toxiques rapidement excrétés, les autres responsables des effets toxiques à long terme :

-  glomérulopathies ;

-  inter-action avec des immuno-protéines se traduisant par une réaction allergique ;

-  atteinte des acides nucléaires à l’origine d’une nécrose ou d’une désorganisation génétique plus grave : elle peut entraîner des mutations susceptibles d’ évoluer (en cas de non réparation par des enzymes) vers un processus tumoral ou un effet tératogène.

Susceptibilité individuelle

On rappellera ici les principaux facteurs individuels qui interviennent dans la gravité d’une intoxication :

-  âge,

-  sexe,

-  morphologie (notamment l’obésité),

-  fatigue,

-  état de santé général

-  consommation d’alcool, de drogues,

-  prise de médicaments.

Intoxication

On mentionnera ici les grands syndromes pathologiques provoqués par les solvants ( voir tableau 3).


Atteinte de la peau et des muqueuses

Les solvants détruisent le film lipidique qui assure la protection de la peau contre les agressions de tous ordres (chimiques, physiques, infectieux) et favorisent la pénétration d’autres agents toxiques. Au point de contact avec le solvant (les mains, le plus souvent), la peau d’abord sèche et rugueuse devient ensuite rouge, gonflée, crevassée. Si, la plupart des solvants se bornent à sensibiliser à l’allergie, certains produits, allergisants par eux-mêmes (par exemple les amines aliphatiques et l’essence de térébenthine) induisent des eczémas.
En ce qui concerne les accidents aigus provoqués par un contact intense, le tableau clinique évoque celui des brûlures (la victime présente des phlyctènes).

Les vapeurs de solvants provoquent également des phénomènes irritatifs au niveau :

-  des yeux (elles induisent des conjonctivites),

-  du nez,

-  du larynx,

-  des poumons lorsque les concentrations sont très élevées ; le sujet peut être victime d’un œdème pulmonaire aigu fréquemment associé à des troubles neurologiques et cardiaques. Certains solvants (fluorés, chlorés) chauffés à la flamme (par exemple le trichloréthylène utilisé sur l’aluminium chaud) émettent des vapeurs corrosives(acide chlorhydrique, chlore, phosgène, etc…) qui provoquent également des phénomènes irritatifs pulmonaires.

L’air et la lumière accélérant la décomposition des solvants et celle-ci impliquant une dangerosité accrue (notamment des solvants chlorés qui se décomposent plus facilement) , on a recours à des additifs pour les stabiliser ce qui entraîne des risques majorés de toxicité (les stabilisants ajoutés au trichloréthylène seraient à l’origine du pouvoir cancérogène de ce solvant chez les animaux).

Atteinte du système nerveux

Le caractère lipophile des solvants explique leur action sur le système nerveux : en se fixant sur la myéline ils perturbent la transmission de l’influx nerveux.

Intoxication aiguë ou subaiguë (après inhalation d’une grande quantité de vapeurs)

A l’heure actuelle, on dénombre très peu de cas d’intoxications mortelles. Elles surviennent généralement à la suite d’accidents en chaîne ou d’intoxications volontaires.

Le premier stade qui est réversible se caractérise par des manifestations qui rappellent celles de l’intoxication alcoolique : somnolence, tremblements, euphorie et titubation. Les atteintes de la vigilance et de l’équilibre peuvent entraîner des troubles de comportement et des accidents graves.

Si l’intoxication se poursuit, le sujet sombre dans une narcose de plus en plus profonde puis dans le coma susceptible d’être mortel ou de laisser des séquelles. Des troubles cardiaques (fibrillation myocardique) sont souvent associés à ce tableau clinique.

Intoxication chronique

Elle se traduit par de la nervosité, de petits troubles de la vigilance, un tremblement. A ces signes peuvent s’ajouter :

-  un alcoolisme professionnel par inhalation (il s’agit d’un phénomène peu courant),

-  une toxicomanie (dans le cas de sujets qui prennent goût à l’odeur du trichloréthylène),

-  une atteinte des nerfs périphériques (intoxication par le méthyl-A-butylcétone, le n-hexane…) et/ou de certains nerfs crâniens, auditif, optique, trijumeau (intoxication par le tétrachloréthane, le trichloréthylène, le perchloréthylène, le méthanol, le sulfure de carbone…).

Des études suédoises et finlandaises récentes ont montré qu’une utilisation sur une longue période de solvants à concentrations inférieures aux maxima admissibles étaient à l’origine de symptômes difficiles à déceler : états dépressifs durables, troubles de l’intelligence, de la mémoire, de la personnalité. Ils seraient dus à une atteinte précoce des fonctions cérébrales.

Atteinte des organes de détoxication

Atteinte hépatique

-  Destruction plus ou moins massive des cellules hépatiques en cas d’intoxication aiguë par des produits tels que le tétrachloréthane et le tétrachlorure de carbone (qui est également à l’origine de troubles rénaux).

-  Fatigabilité, nausées et troubles de l’appétit signant une atteinte hépatique discrète provoquée par la majorité des solvants utilisés à faible concentration.

Atteinte rénale

-  Insuffisance rénale aiguë provoquée par le chloroforme, le tétrachlorure de carbone, le tétrachloréthane.

-  Glomérulo-néphrites chroniques provoquées par les dérivés chlorés des hydrocarbures aromatiques (toluène et xylènes).

-  Néphro-angiosclérose provoquée par le sulfure de carbone.

Atteinte sanguine

Un seul solvant induit une atteinte sanguine : il s’agit du benzène, corps extrêmement dangereux du fait de sa toxicité hématologique.

A.F.T.M. 20 février 2008

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