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MODIGLIANI Amedeo (1884 - 1920) Peintre de la beauté nostalgique

Amedeo Clemente Modigliani naît le 12 juillet 1884 à Livourne en Italie. Il est le quatrième enfant de Flaminio Modigliani, courtier originaire de Rome, et d’Eugénie Garsin, intellectuelle d’origine marseillaise et tunisienne. Amedeo se révèle un enfant de santé délicate. Il a 11 ans lorsqu’il est atteint d’une grave pleurésie ; sa mère redouble d’attention envers cet enfant fragile. Déjà, elle lui trouve une âme d’artiste. A 14 ans, alors qu’il est au lycée de Livourne, il contracte la typhoïde, suivie d’importantes complications pulmonaires. Il renonce alors à ses études et se tourne vers l’art auquel il s’initie dans l’atelier de Guglielmo Micheli.

En 1901, Modigliani part en voyage de convalescence avec sa mère et découvre Naples, Amalfi, Capri, Rome et Florence. En 1902, il s’inscrit à l’Ecole libre du nu de l’Académie des Beaux-Arts de Florence sous la direction du peintre Giovanni Fattori, puis à celle de Venise où il dira avoir reçu les enseignements les plus précieux de sa vie. Il y étudie en particulier Carpaccio, Bellini et l’Ecole de Sienne.

En février 1906, il arrive à Paris et loue un atelier à Montmartre, prés du Bateau–Lavoir, un immeuble du XVIIIème arrondissement de Paris, lieu de résidence et de travail de nombreux artistes et gens de lettres au début du XXème siècle. Il y rencontre Picasso, Kisling, Brancusi, Max Jacob, Apollinaire, Cendrars…, et plus tard Utrillo et Soutine qui seront deux de ses plus fidèles amis et avec lesquels il partagera son penchant pour l’alcool et son inclinaison pour l’opium. En 1907, il rencontrer le docteur Paul Alexandre, son premier acheteur. Ce médecin, ami des artistes pour lesquels il a créé, avec son frère Jean, un lieu de vie et de travail au 7 rue du Delta à Paris, va jouer un rôle primordial au début de la carrière de Modigliani. Il va le soutenir, l’encourager et lui acheter régulièrement des œuvres. Modigliani peindra plusieurs portraits de lui. Sur ses conseils, il expose en 1908 au salon des Indépendants quatre toiles et un dessin. Et, par son intermédiaire, il fait la connaissance de Constantin Brancusi en 1909.

Portrait de Dédie, 1918

C’est à cette époque qu’il commence à sculpter dans des traverses de chêne qui servent à la construction de la station de métro Barbès Rochechouart. Brancusi l’incite alors à installer son atelier à Montparnasse, cité Falguière. De 1910 à 1912, il va se consacrer presque exclusivement à la sculpture, réalisant une trentaine d’œuvres en grès, des têtes de femmes pour la plupart, à la forme de plus en plus allongée comme celles de ses peintures. La parenté avec l’art africain et les masques indigènes est sous-jacente, d’autant que le docteur Paul Alexandre possédait une importante collection de sculptures baoulé qui ont pu influencer le style de Modigliani. Constantin Brancusi l’aide beaucoup dans ses recherches artistiques qui visent à parvenir à sculpter des effigies dépouillées. Modigliani s’emploie à affiner la rudesse des volumes de pierre en faisant porter son effort sur les traits verticaux qui définissent l’ovale du visage, ou l’arête du nez qu’il allonge avec exagération. Les yeux et la bouche sont en comparaison minuscules, ce qui confère à ses visages une remarquable distinction contemplative. En 1912, il en expose huit au Salon d’automne.

Gaston Modot, 1918

Mais le travail de la taille directe l’exténue, l’état de ses poumons est aggravé par la poussière de pierre et son état général subit les conséquences de sa vie déréglée. A la fin de l’année 1912, ses amis le trouvent sans connaissance dans sa chambre. Ils s’emploient alors à le convaincre d’aller se reposer en Italie et ils se cotisent pour lui payer un billet de train. Grâce à eux, au printemps 1913 il est de retour à Livourne. Avant de partir, il dépose des sculptures, des gouaches et des dessins chez le docteur Paul Alexandre. Il s’installe à Livourne à côté d’une carrière de marbre et pratique la taille directe. Il envoie ses sculptures à Paris, mais malheureusement, pour des raisons mal connues, il n’en reste aucune de cette période italienne. 1913 est la dernière année où il se consacre à la sculpture, car ce mode de création l’épuise physiquement et accentue les problèmes pulmonaires dont il souffre depuis l’enfance. A partir de 1914, il reprend donc ses pinceaux pour ne plus les quitter et il se remet à peindre des portraits et des nus féminins dans son style très personnel ponctué de formes stylisées et étirées.

Pendant la guerre, Modigliani est réformé en raison de ses problèmes de santé. Son ami Paul Alexandre part à la guerre et ils ne se reverront plus. Durant cette période, il s’isole de ses amis peintres. Max Jacob lui présente le marchand d’art Paul Guillaume. Celui-ci commence à s’intéresser à son travail et pendant deux ans, en 1915 et 1916, il devient son marchand exclusif et lui assure une relative stabilité financière. Une amitié profonde va les lier jusqu’à la mort de Modigliani.

NU 1917

C’est à cette époque qu’il rencontre la poétesse anglaise Béatrice Hastings avec laquelle il va vivre une liaison tumultueuse mais très féconde sur le plan artistique. Il reprend un atelier à Montmartre et, encouragé par Paul Guillaume, il débute une série de grands Nus, peints d’après des modèles professionnels qu’il représente assis ou allongés. Dans un décor toujours très sobre de couleur rouge vermillon ou lie de vin, ses nus orange dessinés d’une seule traite imposent leur éclatante sensualité. Il réalise aussi de nombreux portraits, en particulier de ses amis Paul Guillaume, Apollinaire, Max Jacob, Kisling, Henri Laurens, Béatrice Hastings... Les lignes sont épurées, les visages à l’ovale étiré sont légèrement inclinés, les yeux en amande, à peine teintés de bleu, de vert ou de gris, n’ont souvent pas de prunelle ce qui leur donne un regard vide. Pour lui, les yeux sont le reflet de l’âme, et il ne peut les représenter dans leur intégrité que s’il peut « lire dans l’âme de son modèle ».

Dans une lettre à sa mère datée du mois de novembre 1915, il écrit : « ...Je fais de nouveau de la peinture et j’en vends. C’est beaucoup... ». A cette époque, il hante de plus en plus les cafés de Montmartre et de Montparnasse. Il dessine le portrait de tous ceux qui veulent bien lui acheter pour une misère… qu’il dépense aussitôt en boisson. Il est aussi irascible quand il a bu qu’il est charmant, attentionné, voire timide lorsqu’il est à jeun. Il peut alors réciter des poèmes de Dante aux terrasses des cafés et déclamer Les Chants de Maldoror de Lautréamont dont il garde en permanence un recueil dans sa poche.

Femme au ruban de velours vers 1915

En 1916, il rompt avec Béatrice Hastings. Les excès ont rendus sa santé très chancelante. Il expose avec ses amis dans l’atelier du peintre suisse Lejeune, atelier qui est devenu un centre de travail pour les artistes d’avant-garde. Il y rencontre le poète polonais Léopold Zborowski qui devient son marchand. Il va alors travailler au 3 rue Joseph Bara à Montparnasse dans l’appartement de Zborowski. Celui-ci lui achète sa production pour quinze francs par jour, ce qui lui permet d’avoir quelques subsides. Il fait de nombreux portraits de Zborowski et de sa femme Hanka, et aussi de leur amie Lunia Czechowska.

Au cours de cette année 1916, il fait la connaissance de Jeanne Hébuterne, une belle étudiante de 18 ans qui étudie à l’Académie Colarossi. « Ils étaient faits l’un pour l’autre, diront tous ceux qui les ont connus, Jeanne est la seule femme qui ait vraiment compris Amedeo. Jeanne a été l’amour de sa vie, et pour elle il était Dieu. » Lorsque la famille bourgeoise de Jeanne apprend sa liaison avec celui qu’elle considère comme un débauché, elle lui coupe les vivres.

Le Jeune apprenti (1918-1919)

En juillet 1916, Jeanne et Modigliani s’installent au 8 rue de la Grande-Chaumière, dans une chambre louée par Zborowski. Le 3 décembre, Zborowski organise la première exposition personnelle de Modigliani à la galerie Berthe Weill, 50, rue Taitbout. Les nus exposés dans la vitrine font scandale. Sur plainte des « petits bourgeois » du quartier, ils sont saisis par la police pour « outrage à la pudeur ». En raison de ce scandale, aucun tableau n’est vendu.

Modigliani qui s’est donné comme devise « Ton devoir réel est de sauver ton rêve », travaille avec ardeur. Jeanne est celle qui incarne le mieux sa recherche artistique sur la figure féminine idéale. Elle représente la beauté abstraite qu’il a toujours cherchée, synthèse de son idéal formel et de sa connaissance du modèle. Il fera d’elle 26 portraits.

Paul Guillaume, Nova Pilota, 1915

En 1918, Modigliani réalise une autre série de nus, mais son état de santé est préoccupant. Zborowski décide de l’envoyer sur la côte d’Azur avec Jeanne qui est enceinte. A Nice, sous la lumière du Midi, ses toiles se colorent de tons plus clairs. Il peint quatre paysages, les seuls de toute sa carrière. Le 29 novembre, Jeanne Hébuterne met au monde leur petite Jeanne.

Tête de femme avec un chapeau

Modigliani continue à peindre et envoie ses toiles à Zborowski. En mai 1919, il rentre à Paris. Jeanne, de nouveau enceinte, le rejoint un peu plus tard avec leur fille. Il peint toute une série de portraits de ses amis, typiques de son art de la stylisation des visages. Il peint aussi son autoportrait qui le montre le visage très fatigué.

Au début de l’année 1920, la santé de Modigliani se détériore rapidement. Depuis quelques jours ses amis sont sans nouvelles de lui. Le 22 janvier, ils se rendent chez lui et le trouvent délirant dans son lit, tenant la main de Jeanne, enceinte de 8 mois. Il est transporté à l’hôpital de la Charité dans un état désespéré. Il décède d’une méningite tuberculeuse le 24 janvier 1920 vers 21 heures. Jeanne se suicide le lendemain à 4 heures du matin en se défenestrant de l’appartement de ses parents. Emmanuele, le frère d’Amedeo, retenu en Italie par ses fonctions de député, télégraphie aux amis de « Modi » : « Enterrez le comme un prince ». De fait, Kisling, Léopold Zborowski et tous ses amis les artistes de Montparnasse et de Montmartre lui font des funérailles grandioses au cimetière du Père-Lachaise le 27 janvier 1920. Le même jour, Jeanne Hébuterne est enterrée au cimetière de Bagneux, ses parents ayant refusé qu’elle repose auprès de lui. Ce n’est que dix ans plus tard qu’ils accepteront qu’elle soit inhumée à ses côtés au Père Lachaise. Leur fille, la petite Jeanne, âgée d’à peine 14 mois à la mort de ses parents, sera adoptée par la sœur de Modigliani en Italie.

L Etudiant vers 1918 1919

« Son âme hautaine d’aristocrate flottera longtemps parmi nous dans le chatoiement de ses beaux haillons versicolores » dira son ami Paul Guillaume.

Question d’ART - édition GUS’ARTS juin 2011 - www.gusarts.com

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