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RENOIR PIERRE-AUGUSTE (1841-1919) Le bonheur et la lumière

Pierre-Auguste Renoir, Autoportrait, 1870

Pierre-Auguste Renoir naît à Limoges le 25 février 1841. Il est l’un des cinq enfants d’un tailleur et d’une couturière. La famille est très modeste. Alors qu’il est enfant, ses parents partent s’installer à Paris pour essayer d’améliorer leur situation. En 1854, à 13 ans, il quitte l’école et entre comme décorateur dans un atelier de porcelaine, Lévy Frères & Compagnie. Dans le même temps, il fréquente les cours du soir de l’École de dessin et d’arts décoratifs. A 17 ans, pour gagner sa vie, il peint des éventails dans la tradition du XVIIIème siècle, puis des stores.

En 1862, il réussit le concours d’entrée à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Il étudie dans l’atelier de Charles Gleyre, où il rencontre Claude Monet, Frédéric Bazille et Alfred Sisley. Une solide amitié se noue entre les quatre jeunes gens. Ils vont souvent peindre en plein air dans la forêt de Fontainebleau. Renoir est tellement sans le sou qu’il fait les trajets entre Fontainebleau et Paris à pied. La forêt n’est pas très sure et, un jour qu’il est occupé à peindre au milieu des bois, il se fait attaquer par des sacripants. L’affaire aurait pu mal se terminer si Renoir n’avait vu apparaître devant lui un robuste unijambiste qui va les faire fuir à coups de gourdins. C’était Diaz, l’un des peintres de Barbizon avec qui il va devenir ami et qui sera le premier à lui conseiller, avant Monet, d’abandonner les coloris sombres de sa palette pour les remplacer par des tons plus clairs. Comme Renoir est très désargenté, Diaz lui ouvre même un compte chez son marchand de couleurs. Une des toiles, célèbre aujourd’hui, peinte à cette époque par Renoir est Le couple Sisley (vers 1868).

Bouquet dans une loge (1878-1880)

Les peintres de Fontainebleau fréquentent beaucoup les auberges de la région, en particulier l’auberge de la Mère Anthony à Marlotte que Renoir évoque dans une toile. C’est à Marlotte qu’il rencontre les sœurs Tréhot, Clémence et Lise, filles d’un receveur des postes en retraite. Il réalise 16 toiles des deux sœurs, surtout de la plus jeune, Lise avec laquelle, il aura, on ne le sut qu’après sa mort, deux enfants. C’est elle qui figure dans le tableau Lise à l’ombrelle (1867) exposé au Salon de 1868.

Paysage de neige (1870-1875)

La construction d’un nouveau chemin de fer permet désormais aux parisiens d’être rapidement à la campagne. Les cafés et guinguettes ne désemplissent pas sur les bords de Seine, en particulier le restaurant du Père Fournaise à Croissy près de Chatou appelé « La Grenouillère ». Sur une plateforme en bois, les clients assis sur des bancs sans dossier, sont attablés à de longues tables en planches sous une toile de tente bleue. Selon les contemporains, on l’appelle « La Grenouillère » pour deux raisons : l’endroit ressemble à une mare, et il est fréquenté le dimanche par les « grenouilles », terme d’argot pour désigner les jeunes femmes, les petites grisettes qui constituent sa clientèle attitrée. Renoir aime particulièrement cette ambiance populaire où les petites « grenouilles » et leurs compagnons en maillot de tricot posent pour lui sans rien lui demander. C’est là qu’il se libère de toute contrainte académique, peint véritablement en plein air et fragmente sa touche en un style que l’on qualifiera plus tard d’impressionniste. Il apprend à rendre les effets de la lumière et à ne plus forcément utiliser le noir pour les ombres. Il est captivé par les reflets mouvants du soleil sur l’eau, par la douce ondulation provoquée par les canots à la surface de l’eau, par les ombres des arbres… Cette tendance est bien perceptible dans La Grenouillère (1868), toile exécutée en compagnie de Claude Monet, et dans Les chalands sur la Seine (1869). Ses toiles sont de plus en plus rayonnantes, pétillantes et gaies : Chemin montant à travers les hautes herbes, La Seine à Argenteuil .... Mais le public et la critique ne sont pas convaincus. Le critique Philippe Burty écrit : « L’œil du spectateur ne pourra jamais s’habituer à ces ronds clairs qui tachettent ses gazons, ses allées, même les visages ou le vêtement de ses personnages ».

Jeunes filles au piano vers 1892

La première exposition "impressionniste" ouvre le 15 avril 1874, boulevard des Capucines. Trente artistes y participent dont Cézanne, Degas, Monet, Berthe Morisot. Elle n’attire que 3500 visiteurs, le Salon officiel, 400 000. La critique se déchaîne. Louis Leroy écrit dans le "Charivari", journal satirique : « Les tableaux sont exécutés avec négligence […] l’exposition est à faire dresser les cheveux sur la tête. »

Portrait de deux fillettes(1890-1892 )

Nous sommes en 1876, Renoir peint La tonnelle, La Balançoire, et surtout Le bal du moulin de la Galette, reconnu aujourd’hui comme l’un de ses plus grands chefs d’œuvres. Il peint aussi de nombreux portraits, dont Jeune fille au chapeau de paille, La liseuse, La jeune femme à la voilette, … et des nus, dont Torse de femme au soleil, une toile qui montre un corps féminin ruisselant d’eau et de lumière et qui va provoquer un vrai scandale lors de sa présentation à la deuxième exposition des impressionnistes en 1876. On peut lire dans le Figaro : « Essayez donc d’expliquer à M. Renoir que le torse d’une femme n’est pas un amas de chairs en décomposition avec des taches vertes violacées, qui dénotent l’état de complète putréfaction dans un cadavre ! ». Pendant l’été, il se rend à Guernesey et peint des paysages chatoyants, typiquement impressionnistes. Mais, la troisième exposition des impressionnistes, en 1877, n’obtient pas plus de succès que les précédentes et il se résigne, par nécessité, à se rapprocher du Salon officiel où il envoie en 1878 La tasse de Chocolat qui est acceptée.

Femme nue

Renoir travaille sur les bords de la Seine et de cette époque date sa célèbre toile Déjeuner des canotiers (1881). On y voit, à gauche, jouant avec un chien, Aline Charigot, qui deviendra sa femme en 1890 et la mère de ses trois enfants, Pierre, Jean, et Claude. Il produit aussi Danse à Bougival, Danse à la campagne et Danse à la ville. Il voyage en Italie et, de retour en France, il travaille avec Cézanne à L’Estaque près de Marseille. Ses paysages sont encore résolument impressionnistes.

Pèches(1881-1882)

C’est cependant à partir de cette époque, les environs de 1883, que Renoir se détache de l’impressionnisme et revient vers l’enseignement des grands Maîtres du passé, en particulier Raphaël et Ingres. Il séjourne en Italie, ce qui produit probablement un effet amplificateur sur sa transformation de style. Il affirme alors la valeur du dessin et le rôle important de la ligne. Jusqu’en 1890 environ, il traverse la période dite ingresque ou Aigre, qui culmine en 1887 lorsqu’il présente ses fameuses Grandes Baigneuses à Paris. Les contours de ses personnages sont plus précis, les formes sont dessinées avec plus de rigueur, les couleurs sont plus froides, moins délicates, les touches moins fondues. D’autres portraits vont jalonner cette période de recherche pour sortir de l’impressionnisme.

Femme nue dans un paysage, 1883

Vers 1890, il abandonne ce style linéaire, style qui est en fait contraire à son tempérament et, sans revenir pour autant à l’impressionnisme, il entre dans ce que l’on a appelé sa période nacrée. Ses coloris se font plus nuancés, plus nacrés et sa manière de peindre est plus souple. Il peint surtout des nus car le rendu du corps des baigneuses se prête particulièrement bien à sa palette irisée : Baigneuse sur un rocher, Baigneuse endormie… De cette époque datent aussi de nombreux portraits d’enfants, et en premier lieu celui de son fils Jean.

La famille Renoir passe une partie de l’année à Essoyes, le pays natal de Mme Renoir, dans une vieille ferme entourée d’arbres fruitiers. Un jour qu’il fait de la bicyclette, empruntée à un voisin, Renoir fait une chute et se casse le bras droit. Il était déjà soigné pour des rhumatismes et son état de santé se dégrade. Son bras a du mal à guérir, ses rhumatismes lui laissent de moins en moins de répit et il commence à souffrir d’arthrite. Il doit apprendre à tenir le pinceau de la main gauche car il est hors de question qu’il cesse de peindre. Pour trouver un apaisement à ses maux, il passe l’hiver dans le Midi, à Cagnes près de Nice où il a fait construire la maison des « Collettes ».

Femme à la lettre vers 1890

Bouquet vers 1900

Lorsqu’éclate la première guerre mondiale, il s’installe définitivement à Cagnes. Ses deux premiers fils, Pierre et Jean (qui deviendra cinéaste renommé) sont en âge de combattre. Ils sont mobilisés. Pierre est blessé dès le début de la guerre, Jean en 1915. Il est hospitalisé à Gérardmer. Sa mère se rend à son chevet et c’est au retour de ce voyage épuisant que sa santé se met à décliner. Elle est diabétique, elle est très fatiguée et elle s’éteint le 27 juin 1915. Elle avait 56 ans. Renoir, très affecté, reste seul aux Collettes avec la fidèle domestique Gabrielle qu’il évoquera dans ses toiles jusqu’à la fin de sa vie.

Ses mains sont maintenant extrêmement déformées, ses articulations sont bloquées, ses doigts recroquevillés vers la paume. Mais, bien que cloué dans un fauteuil roulant, il s’acharne à peindre pour oublier son chagrin. Il ne vit plus que pour son art, un art aux antipodes de sa tristesse, toujours plus joyeux, toujours plus coloré, avec des baigneuses plus rondes que jamais, charnues et ensoleillées. Il se fait un point d’honneur à nettoyer lui-même ses pinceaux et à tenir sa palette propre comme un sou neuf, jusqu’au bout.

Portrait de femme

Amboise Vollard au foulard rouge, 1906, huile sur toile

Il meurt dans son sommeil, le 3 décembre 1919, à l’âge de 78 ans. Sur son chevalet, la toile qu’il est entrain de peindre, des anémones.

Question d’ART - édition GUS’ARTS juin 2011 - www.gusarts.com

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